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Lycans
26 avril 2009

Prologue

profil_chastel

"Quand est-ce que je suis né ? Y’a un bail, ça c’est sûr, mais je ne saurais pas dire quand. Pour être franc, je ne sais même pas quel âge je peux bien avoir…
Faut avouer que c’est un peu le bordel dans ma caboche, tout ne se trouve pas toujours où ça devrait être… C’est ça de vieillir, non ?

Mais à la limite, on s’en fout de mon âge, pas vrai ? De toute façon, vous n’êtes pas là pour me souhaiter bon anniversaire.
Alors, j’en étais où ?

Ah ouais, à ma naissance ! Bon… Me demandez pas l’année, je la connais pas, mais c’était dans les montagnes. Ouais, dans le Gévaudan même… C’était après qu’une bête en ait mis plein la gueule à la populace, si vous voyez ce que je veux dire…
Pour autant que j’y ai compris quelque chose, je crois que cette foutue bestiole était de la Race. Et je pense que c’est elle qui a « enracé » ma mère.
Des fois, je me demande ce que faisait ma mère avant d’être garou. Je l’aurai bien vu bergère, ou un autre boulot à la con dans le genre… Je crois qu’elle s’appelait Marie, mais comme je vous l’ai dit, ça fait un bail tout ça. Par contre, je me souviens de son nom : Chastel. C’est aussi le mien…

Quand on ne trouvait rien à bouffer dans les montagnes, c'est-à-dire quand on ne trouvait pas de bestiau ou d’abruti égaré un soir de tempête, il nous arrivait de descendre au village. Et c’est sûrement là que j’ai entendu la mère Chastel m’appeler Fréderic…
Chastel. Frédéric Chastel. Fred pour les intimes, et Chastel pour les autres… Et putain, ça en fait du monde !

Bon, j’étais encore qu’un chiard quand j’ai eu mes premières « montées de rage ». Je devais même ne pas avoir dix piges, c’est vous dire comme je suis précoce !
Et la mère Chastel, elle n’a pas apprécié…

C’était la première fois que je tuais quelqu’un tout seul. Et bordel, c’était le pied !
J’ai compris ce que j’étais, et ce que j’avais à faire de ma garce de vie. J’étais un tueur-né, fait pour ça depuis toujours, et pour un bout de temps, croyez-moi ! Un prédateur de l’espèce humaine.

Après, ça devient un peu confus… Je n’ai pas très bien compris ce qu’il s’est passé pendant cette période. Je crois qu’un roi s’est fait raccourcir à la guillotine pour une histoire un peu vague de pastille. Enfin, c’est ce qui se disait. Moi, je vivais mon petit bonhomme de chemin, profitant de l’hystérie de l’époque pour me faire les crocs sur du « philosophe », comme ils disaient…

Vous les auriez vus ! Hilarants ces types ! Jusqu’au bout, ils essayaient de me faire croire que je ne pouvais pas être un monstre, mais un humain comme les autres. Même quand je me métamorphosais devant ces cons, ils refusaient de croire à ce qu’ils voyaient ! Non mais, sans rire, je n’ai jamais compris ces guignols… Mais ils étaient plutôt bons à bouffer.

Et après ? Comme je disais, c’est le merdier là-dedans. Les souvenirs se mélangent et j’ai du mal à savoir ce qu’il s’est passé avant ou après tel ou tel truc. Toujours est-il que j’ai débarqué en Irlande, seul survivant d’un bateau qui avait fait naufrage après que j’en ai dévoré le dernier matelot. A vrai dire, j’en ai mis du temps avant de comprendre où j’étais. Moi, ce foutu bateau, je l’avais pris pour aller aux Amériques ! Et voila que je me retrouve coincé sur une putain d’île où personne ne parle français !

J’exagère. En fait, y’avait bien un curé qui parlait français. Le père McCloskey. Plutôt un bon gars, un peu bizarre, mais je l’aimais bien. Vraiment ! J’ai mis près d’un an avant de craquer et d’en faire mon casse-dalle ; le temps pour moi d’apprendre l’anglais et deux ou trois conneries sur l’exorcisme.

Parce que ce fameux cureton, il n’était pas con. Il avait eu une espèce de « révélation » quand il a appris ce que j’étais. Pour lui, je lui avais été envoyé par le Seigneur-Dieu pour lutter contre les ténèbres, Satan, l’Enfer… Tout ça quoi… C’est qu’il m’en a appris des choses ce gars, sur la meilleure façon de buter mes semblables, de refroidir un suceur de sang, ou même, de cogner du fantôme. Je ne sais pas vraiment ce que je serais aujourd’hui, s’il n’avait pas été là…

Une chose est sûre. Je serai sans doute passé à côté des moments qui, à défaut d’être toujours les meilleurs, n’en demeurent pas moins les plus forts de ma vie. C’est dire…

Je me sentais vaguement merdeux de l’avoir mis en pièces. Mais des fois, ça ne tient pas que de moi. Il y a quelque chose en moi, que je vois parfois, qui vous ferait hurler de terreur si elle se tenait devant vous.
Ben, des fois, elle prend le dessus, et elle tue sans que j’aie mon mot à dire… Qu’on soit bien d’accord, je n’ai rien d’un enfant de chœur, mais cette garce de bête en moi… J’ai l’air d’un agneau à côté d’elle !
Donc, merdeux disais-je… Ouais, c’est à peu près ça. Je voulais, je ne sais pas, me faire pardonner ? Réaliser la « révélation » de mon ami à titre posthume, ou un truc dans le genre…

C’est comme ça que j’ai débarqué à Galway. La ville où l’Enfer semblait avoir décidé de dégueuler tout son soûl de hordes démoniaques. Vampires, garous de toutes races, sorciers, fantômes, incubes, succubes, goules, satyres… Putain, ça grouillait de partout ! Et les humains, pour la plupart, ne les voyaient même pas !

J’ai commencé par faire un peu de ménage. Et j’avoue que j’ai adoré ça. Autant, c’est facile de buter de l’humain, autant, ça devient plus sportif dés que le surnaturel s’en mêle. Et j’y trouve un intérêt certain ! Mais passons… Nous arrivons à un moment crucial de mon existence. Car pour la première fois de ma vie, j’allais aimer…

Les femmes… Ah, les femmes… Je n’en avais jamais gardé une plus d’une nuit… Vivante du moins. C’est que ces petites choses-là sont d’un fragile… Une morsure pendant l’acte, et ça vous repeint la chambre façon steak tartare. Voilà le genre de « problème » qui m’emmerdait. A chaque fois que je m’en sautais une, je pétais les plombs. La bête-garce en moi prenait le dessus, et jalouse comme pas deux, elle faisait retourner mes conquêtes à l’état liquide… C’était pas joli-joli à voir.

Et c’est là qu’elle est apparue. La première fois que je l’ai vu, je ne lui ai pas prêté beaucoup d’attention, c’est vrai. Mais pour ma défense, j’étais en train d’en mettre plein la gueule à une saloperie de fantôme… Et puis, c’était qu’une gamine, qu’est-ce que je pouvais bien en avoir à foutre, hein ?
J’ai regretté ces pensées… Putain, comment ai-je pu être aveugle au point de ne pas réaliser que ce petit bout de femme de quoi ? Quatorze ? Quinze piges ? Bref, que cette gosse, j’allais en tomber amoureux ? Car c’est ce qui est arrivé… Maintenant, comment c’est arrivé… C’est toujours pas très clair pour moi…

Tabitha, car c’est comme ça qu’elle s’appelle, était de la Race elle aussi. Maigrichonne, mal coiffée, ses grands yeux dorés exprimant toujours un mélange de tristesse et de rage. En principe, les nanas, je les aime plutôt… Vous voyez, quoi. Un bon cul bien ferme, une bonne grosse paire de seins, des lèvres dont on devine tout de suite ce qu’elles peuvent vous faire, et c’est pas que vous sourire…
Bizarrement, Tabitha n’avait pas grand-chose de mon type de fille. Pourtant, Dieu sait ce que je l’ai trouvé belle, avec son regard d’enfant qui a morflé… Je sais, ça paraît vicelard, et ça l’est peut-être… D’accord, il y a sûrement pas mal de dégueulasse là-dedans, mais vous étiez prévenus : je ne suis pas un enfant de chœur…

Cette ange aux serres sanglantes, ma vorace promise, avait traversé je ne sais quelles merdes. En fait, on n’en a jamais beaucoup causé, mais quelque chose en elle était bousillé, ça c’était clair. Et pour une fois, je n’y étais pour rien…

Quand on est de la Race, on pense beaucoup plus au présent qu’au passé ou à l’avenir. On a la conscience d’appartenir à l’instant, et on en jouit à un point que vous autres, humains, peineriez à imaginer. Son passé devait être bien pourri, mais elle vivait sa vie au jour le jour, se foutant pas mal de ce qui était arrivé et de ce qui pourrait arriver.
Puis un soir, je lui ai lancé un défi que je n’aurai jamais pensé perdre. Elle qui cherchait mon estime, elle qui cherchait mon respect, je lui ai proposé une partie de chasse. Mon respect se jouerait à celui qui ramènerait la proie la plus difficile… Vous voyez le principe, hein ?

J’ai morflé, en prenant d’assaut un commissariat que j’ai vidé de ses flics pour en faire des trophées. Fier de ma prise, je les traine jusqu’à la gamine et là… Cette tarée avait buté Zöryann, sa vampire de mère adoptive !

Pour moi…

Putain, je crois que de ma vie, jamais quelqu’un ne m’avait à ce point prouvé qu’il avait des couilles. Elle voulait mon estime, mon respect… Elle a eu mon cœur.
Comment auriez-vous réagi, vous ? Quelqu’un qui vous offre sur un plateau ce qu’il a de plus cher, hein ?

On a alors presque été un vrai couple, jusqu’à cette première nuit d’amour…

Vous autres, humains frustrés, incapables d’assouvir vos pulsions, de vous ouvrir à l’ivresse de vos instincts, vous ne pourrez jamais connaître ce que nous avons vécu en cette nuit ! Il y avait quelque chose de simple, de naturel, et je dirais d’originel, dans l’union de nos deux corps. Alors que je lui faisais l’amour, tout autour de moi disparaissait. Tout n’était plus que sensation. Sa chaleur autour de moi, le goût de sa peau, l’odeur de sa sueur… Une nuit de noces dont personne ne pourrait même rêver, qui a viré en véritable cauchemar pour celle que j’aime.

Bien sûr, ce n’est pas moi qui l’ai torturée, mais la bête-garce…

Cette monstrueuse putain, dévorée par la jalousie, faisait depuis toujours subir à mes compagnes une fin affreuse. Mais alors que mes autres femmes hurlaient, pleuraient, imploraient, Tabitha, elle, semblait ne rien craindre. Elle se faisait massacrer - massacrer, oh putain…- par celui qui l’aimait, par celui qu’elle aimait, et c’était comme si quelque part, elle ne pouvait en attendre plus. Devait-elle payer d’éprouver du bonheur ? Était-ce cela qui lui passait par la tête ? Peut-être, un jour, le saurai-je…
En attendant, la bête garce l’avait réduite à l’état de viande battue, d’os en esquilles. Son visage n’était plus qu’un amas sanglant, et l’on voyait à travers les joues en charpie les os brisés de la mâchoire.

Dieu sait que j’en ai vu des saloperies, et que dans la grande majorité des cas, j’en suis l’auteur. Pire, j’en éprouve souvent une fierté certaine… Mais pas cette fois. Ce que cette chose sauvage en moi avait fait à l’enfant-louve, j’aurais voulu qu’elle sache que je le regrette. Que je n’y étais pour rien. Que jamais je n’avais voulu lui faire le moindre putain de mal… Que je l’aimais, bordel, pour la première fois de ma vie !

Mais pour ce que ça aurait pu changer… Ce sont bien mes mains qui ont crevé ses yeux qui me rendaient fous d’amour. Bien mes doigts qui ont enfoncé les pieux qui la crucifièrent, bien mes poings qui brisèrent la délicate arête de son nez. Alors, quelle différence ?

J’ai fait ce que j’ai pu pour la… réparer.
Je suis allé jusqu’à lui offrir de ma propre chair pour qu’elle reprenne des forces. Je serai mort mille fois, et avec joie, pour qu’elle vive une seconde de plus. Et par miracle, elle a survécu !

Pour me quitter…

Je n’aime pas revenir là-dessus. Elle m’a laissé, mutilé, baignant dans mon sang et dans ma propre merde, après m’avoir fait goûter au plomb d’un fusil, en pleine gueule… Même que des fois, j’en sens encore le goût dans ma bouche, le feu sur ma langue… Mais c’est comme tout, on s’en remet.

Elle a, par la suite, quitté l’Irlande. Cherchait-elle à me fuir ? J’espère le savoir bientôt. Il a fallu, comme c’est ironique, qu’elle choisisse ma bonne vieille France comme refuge. Mais je la retrouverai…

Après tout, qui mieux que moi peut chasser un autre membre de la Race ?"

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Commentaires
O
J'ai lu et j'espère, un peu, quelque part, que vous pourrez vous "retrouver" et à la limite, trouver une solution pour vous "aimer" sans vous déchirer la gueule et l'âme à chaque fois que cela arrive !<br /> <br /> On compte sur vous pour trouver une fin heureuse à cette triste aventure !
L
Fred,<br /> Ton ton est drôlement attachant. C'est très intéréssant de découvrir vos premières heures. J'ai passé un très bon moment à lire ces lignes. <br /> Vous retournez tous deux à Paris, la belle ville ou Lou vit aussi le jour. Quel dommage que je n'ai pus vous croiser avant. J'espère que tu retrouveras ta belle. Je n'en doute pas.
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