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Lycans
10 novembre 2010

Erreur tactique

profil_chastelChastel contemplait les tas de chair de dimensions variées qui, il y'a encore quelques minutes, étaient le père de Tabitha. En partie dans le confessionnal mais en majorité éparpillés se trouvait un gros morceau central, le tronc, dont s'échappaient des serpentins d'entrailles arrachées. Un peu plus loin, entre les bancs, la tête et son contenu gris, rouge et rosâtre ne faisait plus que deux dimensions. Dispersés ça et là, les jambes et les bras étaient dans un état tel qu'il était quasiment impossible de les différencier les uns des autres.

Le Massacreur était, il faut bien l'avouer, quelque peu affligé par l'étendue de sa connerie.
Il fixait le crucifix à taille humaine avec lequel il avait mis en pièces le vieil homme. Son Christ était brisé au niveau de la tête et des épaules, et ses bras pendaient tristement des clous ; la croix était devenu un simple T souillé de viande et de sang. Mais en comparaison du cadavre de l'homme d'Église, le Fils avait l'air d'un miraculé après une catastrophe surnaturelle.


"Bon..."


Le bourreau lâcha son gourdin torturé, et décida qu'il fallait faire quelque chose d'intelligent, pour une fois. Il entreprit alors de fouiller derrière l'autel et y découvrit la cache du vin de messe.

"Au moins, je ne serai pas venu pour rien."

Il arracha le bouchon de liège avec ses dents et s'envoya une lampée... Avant de la recracher, dégoûté. Une saloperie de vin italien, trop sucré, trop piquant, trop jeune, trop liquoreux... Un apéritif de bonnes sœurs et d'enfants de chœur !

"C'est vraiment une journée de merde !"

La colère le reprenait, et il lança la bouteille sur un mur. Elle y éclata, laissant couler son contenu dégueulasse sur le granit, comme si l'église saignait. Dans le même temps, un martèlement sur les vitraux grisâtres indiquait au Massacreur que la pluie d'Irlande reprenait ses droits.


Et maintenant ?

Le plan de Chastel, déjà bien bancal, avait somptueusement merdé. La faute à une simple erreur de timing. Normalement, les choses auraient dû évoluer autrement. D'abord, il devait interroger ce connard, histoire d'en apprendre un peu plus sur Tabitha et peut-être, découvrir un élément lui permettant de la trouver. Après tout, on n'est jamais à l'abri d'un coup de pouce du destin ! Ensuite, il aurait pu tuer le vieillard sans que ça pose le moindre problème.
Seulement voila, Chastel avait fait un peu de zèle, et s'était offert une curée avant de questionner le curé, soit exactement l'inverse de ce qu'il était venu faire. C'est ça l'enthousiasme, on devient négligent, et c'est seulement après qu'on réalise que l'on a déconné. Et Chastel de réaliser que son interrogatoire, et bien... Il pouvait s'asseoir dessus en espérant que ça lui donne des sensations.


"Putain de cureton de merde... T'es fier de toi, hein, enculé ?"

Tout en jurant, il cracha sur sa victime. Il se laissa ensuite tomber sur un banc, les jambes tendues, les bras ballants, et contempla la voute, essayant de se rappeler à quel moment la situation lui avait échappé...

Ah oui !
Cet abruti avait compris que Chastel n'était pas humain. Il faut dire que ses crocs et ses griffes ne jouaient pas en sa faveur, en matière de discrétion. C'est là que le curé avait essayé un truc débile à base de prières, en agitant son petit crucifix. Et ça aurait même pu marcher, si Chastel avait été un vampire.
Sauf que non.

Le Massacreur, à la vue de l'arme ridicule, était tombé à genoux, et avait commencé à convulser. Il bavait abondamment, et semblait peiner à respirer. Alors le vieil homme lui vida sur le visage une fiole d'eau bénite ! Et Chastel éclata.
De rire, bien entendu.

Qu'avait-il dit à ce moment, déjà ? Une connerie quelconque, du genre...


"T'y as cru, hein ? Dommage !"

C'est le coup de pied en pleine face qui avait mis Chastel en rogne. Le connard au crucifix y avait mis tout ce qu'il lui restait d'énergie désespérée et le nez du Massacreur en avait, une fois de plus, rendu l'âme.
La suite était est plus confuse. Chastel se souvenait avoir arraché le crucifix des mains de son pathétique adversaire, et avec un regard plein de haine, l'avoir mangé. Oui, c'était ça, il avait avalé le crucifix de bois et de plomb.


"Tu crois qu'une croix à la con peut faire du mal à quelqu'un comme moi ? Conneries !"

Puis ses yeux s'étaient posés sur le crucifix autrement plus imposant qui semblait, impuissant, regarder la scène du haut de l'autel...

"Sur toi par contre... Je te parie que ça va faire mal !"

La suite est une histoire connue.

"Et maintenant, je fais quoi ?"


Le tueur, mi-blasé, mi-fatigué, contemplait le plafond, les oreilles bercées par le bruit de la pluie au dehors. Il faisait sombre, presque comme si la nuit tombait, et Chastel se disait que ça devait être une sacrée saucée.
Jusqu'au moment où il se rendit compte que la pluie ne bourdonnait pas...


"Hein ?"

Les vitraux étaient recouverts de quelque chose qui les avait obscurcis. Ou, pour être plus exact, de très, très nombreuses choses, qui bougeaient sur les vitres, y donnaient de petits coups, vrombissant, rampant. Il étrécit les yeux pour mieux voir et il ce qu'il découvrit lui fit laisser échapper un juron.

"Putain d'merde ! C'est quoi c'bordel ?"

La seconde d'après, les vitres cédèrent dans un hurlement cristallin, et des milliers d'insectes de toutes sortes, scarabées, guêpes, mouches et autres sauterelles envahirent l'église...

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