Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Lycans
4 mai 2009

"Naviguer est une activité qui ne convient pas aux imposteurs. En mer, on sait ou on ne sait pas."

profil_tab Il s'en fallait encore de bien des années pour que naisse et se perde en mer l'auteur de cette perle de sagesse, mais ce n'était sans doute pas plus mal. D'abord, parce qu'il n'y avait là rien qui soit propre à aider Tabitha ; ensuite, parce que l'homme aurait sans doute eu l'occasion d'apprendre qu'il était dangereux de traiter une lycanthrope d'imposteur.
D'autant plus, une lycanthrope avec le mal de mer.

Tabitha était verdâtre, livide d'incompréhension. Quoi, toute cette eau, c'était ça qui la mettait dans cet état ? Depuis quand est-ce qu'une grosse flaque suffisait à lui faire rendre ses tripes ? Merde, elle avait grandi sur les côtes, elle avait toujours vécu près de la mer, de quel droit cette saloperie se mettait-elle maintenant à bouger comme ça ? Elle ne faisait pas ça aux crétins de pêcheurs du genre de son paternel... si ?
Fallait bien reconnaître que ça l'avait jamais trop intéressée.

"Bordel de Dieu, tu vas bouger ton cul, petite merde ?!"

Et ça, c'était le pire de tout. Depuis une semaine, elle ne rêvait plus que d'accrocher au mât les tripes de ce roquet qui lui aboyait à la face. Chaque matin, le bosco chargé de réveiller les hommes la trouvait secouée de spasmes, poings crispés, la bave aux lèvres. D'ailleurs, ce brave homme plaignait fort le petit mousse des terribles cauchemars qui l'agitaient.

Le petit mousse était tellement frustré de s'extirper de ses "cauchemars" qu'il en aurait pleuré.

Car sitôt éveillée, il n'y avait plus moyen de mutiler ce lèche-bottes braillard, ni aucun autre membre de l'équipage. Tabitha s'était embarquée l'esprit léger, sans se poser de question sur le genre de mâle avec lequel elle allait devoir partager les quinze prochains jours ; quelle importance, quand il était si simple de noyer dans l'hémoglobine toute contrariété...
Sauf qu'elle avait vite compris que se débarasser d'un importun sur un bateau grand comme une chiure de mouche n'avait rien de "simple". Une nuit, dépitée, elle avait caressé l'idée de massacrer tout l'équipage... avant de finir par se rendre compte qu'une lycane qui maniait déjà difficilement un balai et un seau risquait fort de se retrouver plantée sur un récif si elle se mêlait de navigation.
Oui,à cet instant Tabitha aurait tué n'importe qui avec délectation... et ça n'allait pas aller en s'arrangeant.

"J'arrive pas à l'croire ! C'est qu'ça mordrait si ça pouvait, hein ?!"

De fait, la gamine le fixait d'un air hargneux, babine retroussée sur une canine imperceptiblement trop longue. Sa patience -sa maigre patience- était à bout. Mais comment faisaient donc les humains pour supporter...
Subitement, elle sourit. Elle savait bien comment : ils ne supportaient pas... et en payaient le prix.

L'équipage resta bouche bée quand, balançant seau et balai, le petit mousse s'avança vers l'armoire à glace qui l'invectivait. Il faisait bien six pieds de haut pour trois de large, gras et difforme comme un suidé. Loin au dessus d'elle bourgeonnait une trogne rougeaude, gratifiée d'un nez en pelle à tarte et de quelques dents rescapées. Des tatouages abscons, réseau bleuâtre de pattes de mouches, s'étalaient sur une paire de biceps épais comme sa taille. Et pour compléter le tableau, cette contrefaçon d'humain trainait sous son pantalon une virilité bouffie, qui se balançait à hauteur des coudes de l'adolescente.

Ou faudrait-il dire "à portée de main" ?

---


Le claquement sec du fouet résonnait maintenant sans discontinuer depuis vingt bonnes minutes.
Autour de Tabitha, les marins formaient un cercle parfait - excepté, bien sûr, celui d'entre eux qui se réveillait laborieusement à l'infirmerie, un linge humide noué autour de ses testicules passablement noirâtres. Le silence de ces hommes traduisait certes de l''hostilité... mais aussi (surtout ?) un certain respect. Un petit rat acculé, peut-être bien ; mais pas un rat dénué de courage.

Crispant la mâchoire sous les coups, la lycane souriait de toutes ses dents.

Publicité
Publicité
Commentaires
O
Je crois que si Tabitha n'est pour l'instant, pas capable de se venger en usant de ses talents de lycan, parce que la situation l'en empêche, elle pourra néanmoins leur en faire baver à petites doses, en utilisant son imagination.<br /> <br /> Mais j'ose croire que quelque chose de terrible va s'abattre sur eux une fois les côtes françaises en vue...
L
Il ne faut jamais sous estimer un mousse avec le mal de mer hein ! Mon rire est partit de lui même en découvrant ta vengeance. Un lycan reste un lycan même en costume. <br /> Je suis curieuse de voir comment notre clandestine vas de tirer de ce guèpier !
Publicité